Le loud, un outil pédagogique au service de la transmission du savoir en charpente marine a été le support de stages auprès de jeunes venus de divers horizons.
Nina actuellement en formation de charpente marine aux « Ateliers de l’Enfer » à Douarnenez est venue faire un stage au mois de décembre 2022, mais également Yosra des beaux arts de Nîmes, Sarah lycéenne à La Rochelle qui aimerait poursuivre dans la marine marchande à voile, Vincent et Alex de Skol Ar Mor, Clémentine qui a passé une semaine avec nous entre deux embarquements en Méditerranée ou Maxime un bénévole de l’association qui voudrait devenir charpentier.
Le brochetage, la découpe et la pose d’un bordé ont permis d’initier tous ces jeunes stagiaires à la construction de bateaux en bois.
La notion de gras et de maigre
la coque d’un bateau est ronde surtout dans le bouchain, de ce fait, le bordé ayant une certaine épaisseur, sa largeur intérieure, celle qui plaque contre la membrure, sera plus courte que sa largeur extérieure d’une certaine valeur qu’on appelle le « Gras ».
Le point intérieur du bordé sera dans le « Maigre ».
La mesure de l’angle entre les deux bordés, ou angle d’équerrage, nous permet de déterminer le gras à laisser pour réaliser un bordé qui s’ajuste parfaitement.
Le principe
Nous allons confectionner un gabarit sur lequel à intervalles réguliers seront marqués les points « Haut » et « Bas » des profils du bordé de façon à pouvoir les dessiner sur le plateau de bois.
Nous cueillerons les points dans le « Maigre ».
Le relevé des « angles d’équerrage » nous permettra d’estimer le « Gras » à laisser.
Nous pourrons alors dessiner, côte à côte, sur la face extérieure du plateau, le profil maigre et le profil gras .
On découpera le plateau dans le gras.
Sur la face intérieure on reportera le maigre.
On rabotera le champ, de façon à réaliser l’angle du bordé.
Ensuite il nous faudra creuser l’intérieur du bordé en un arrondi qui viendra s’ajuster sur la courbure de la membrure, cette opération s’appelle « l’instaurage ».
Il n’y aura plus qu’à placer le bordé, l’ajuster et le fixer.
La théorie et la pratique
Le principe étant posé, on sait théoriquement comment il faut faire, mais pratiquement ce n’est pas aussi simple !
La théorie ne suffit pas, rien ne vaut la pratique, il faut être à l’écoute de ceux qui savent faire. Guy Brouet dans son ouvrage sur la restauration de Thétis, « Restaurer n’est pas réparer ! » explique très bien sa façon de procéder.
Anne, Marco, Lionel ont travaillé en tant que charpentier professionnel sur le Loud ou sur le chantier de la Plagette. Tout en respectant le principe de base, ils ont chacun leur méthode et leur organisation pour ne pas s’y perdre dans la prise des mesures et leur report sur la planche !
Démontage des anciens bordés et préparation des membrures
Lors du démontage des anciens bordés nous avons pu nous rendre compte des dégâts provoqués par les parasites du bois !
Les vieux clous sont enlevés, les trous et les fentes des membrures sont rebouchés, les bois sont protégés avec un mélange de minium et d’huile de lin.
Le bord opposé au bordé adjacent est matérialisé par une latte souple ( 25 x 7 mm) qui doit « filer » tout du long, sans creux ni bosse, clouée provisoirement sur les membrures.
Le brochetage
Le brochetage consiste à cueillir le profil d’un bordé directement sur la charpente, afin d’en reporter le développement en plan sur le plateau de bois dans lequel il sera découpé.
Confection d’un gabarit
Placer une latte à brocheter en contre plaqué suffisamment large en plusieurs morceaux assemblés par des plaques de recouvrement de façon à suivre la courbure du bordé, elle peut être ajustées aux extrémités.
Cueillir les points
il existe plusieurs façons de procéder et chaque charpentier trouve des petites astuces pour ne pas se tromper.
la technique du compas
la technique du poisson
la technique de la règle graduée
La technique du compas
il faut utiliser un compas à pointes sèches avec une des pointes légèrement recourbée vers l’extérieur pour pouvoir accéder plus facilement aux points à cueillir.
Définir des plans de gabariages, Guy préconise de prendre le plan de jonction de la varangue et de son allonge pour chaque membrure numérotée, avantage, en cas de doute sur une mesure on peut toujours revenir vérifier sur le bateau.
Choisir un écart (ouverture du compas) qui doit être le même pour toutes les mesures et qui sera sauvegardé quelque part sur la latte de brochetage.
Cueillir dans le maigre un point haut (H) et un point bas (B) à chaque membrure, avec le compas et le marquer avec un arc de cercle sur le plan de gabariage.
Pour Lionel une autre façon de faire :
Ci dessous le plan de gabariage pour les membrures N°1 et N°2 se trouve au centre de celles ci, l’écart est différent pour chaque point et il est conservé sur la latte par un arc de cercle, en haut à droite et en rouge pour le point Haut et en bas à gauche et en bleu pour le point Bas. Les angles d’équerrage sont reportés directement sur la latte.
Le plan de gabariage est tracé aussi sur le bateau de façon à pouvoir éventuellement à y revenir.
La technique du poisson
la technique du poisson peut venir en complément de la technique du compas pour aller chercher des points difficiles d’accès ou qui ne sont pas sur un plan de gabariage comme les extrémités du côté de l’étrave ou de l’étambot.
Le poisson peut avoir n’importe quelle forme, à condition qu’elle soit dissymétrique et de préférence avec un côté pointu, la pointe d’une équerre peut très bien servir de poisson, son angle droit servant de repère pour le repositionner sur la planche.
ici la rablure d’étrave est cueillie point haut et point bas avec une petite réglette pointue avec des encoches dessus pour la dissymétrie et deux petits trous pour bien la repositionner lors du report des points sur la planche.
Il est possible aussi dans certains cas de ne pas utiliser de compas pour brocheter un bordé.
Avec ce type de poisson, utilisé par Marco, plus besoin de définir des plans de gabariage, on ne prendra pas des points mais des petits segments de droite en plaquant le poisson sur le bord supérieur et inférieur du bordé, on écrit quelque chose d’un côté du poisson pour ne pas le poser à l’envers lors du report des segments de droite.
Cette technique fonctionne très bien pour la muraille ou le fond du bateau qui ne présentent pas trop de courbure, mais dans le bouchain, la latte de brochetage étant tangente au milieu de la courbure, en plaquant le poisson dessus on aura du mal a atteindre les points dans le maigre !
la technique de la règle graduée
Perpendiculairement aux plans de gabariage on trace une ligne qui servira d’origine aux mesures des distances des points haut et bas avec une règle graduée. On inscrira la valeur en millimètres directement sur la latte. Cette façon de faire n’est pas courante car elle sujette aux erreurs de lecture et de transcription qui sont fréquentes. L’intersection d’une droite et d’un arc de cercle tracé au compas donne un résultat beaucoup plus précis.
Clémentine reporte ses mesures à la règle graduée
Relever des angles d’équerrage
Les mesures des angles à la fausse équerre sont reportées sur un bout de contre plaqué, la table d’équerrage, avec un côté bien droit qui sert de références,
Ensuite on trace les perpendiculaires pour déterminer la quantité de gras en fonction de l’épaisseur du bordé.
On peut également noter les angles directement sur la latte à brocheter à proximité des points.
Les branches de la fausse équerre doivent être plus petites que la largeur du bordé pour que la mesure soit possible et il faut veiller à plaquer une de ses branches contre la latte de brochetage qui est tangente au point milieu de la courbure, et l’autre sur le champ du bordé adjacent.
Tracé du bordé sur le plateau
On pose le gabarit sur la planche en veillant de bien « mettre le coeur au soleil », à l’extérieur de la coque, pour que la déformation naturelle du bois soit dans le sens de la courbure des membrures et on le cloue pour faire le tracé du bordé.
On trace les plans de gabariage et on reporte sur chacun d’eux le point haut et bas.
Ensuite on peut enlever le gabarit puis à chaque point on plante un petit clou, on vérifie à l’oeil si les profils filent bien et qu’il n’y a pas de points aberrants.
On applique contre les clous une règle souple pour lisser les points et on trace le maigre.
On reporte le gras qu’on trace aussi.
On découpe le plateau dans le gras en prenant soin de laisser le trait de crayon
Pour la découpe on peut utiliser la scie sauteuse, la scie à ruban ou la scie circulaire portative qui est moins sujette aux déviations.
Ensuite on rabote le champ du bordé à angle droit au rabot à main « jusqu’au trou du clou ! »
Puis on reporte la valeur du gras sur la face intérieur qu‘on trace sur toute la longueur du bordé et on rabote en biais pour avoir un bordé avec l’angle d’équerrage mesuré.
Instaurer le bordé
Il faut creuser la partie intérieur du bordé pour qu’il s’ajuste parfaitement à l’arrondi des membrures pour ne pas forcer le bois au serrage et éviter qu’il se fende.
On réalisera un jeu de calles d’instaurage
l’instaurage peut se prendre aussi avec un peigne
On détermine la valeur du creux maximum.
On passera le bordé à la dégau qui devra avoir l’épaisseur finie augmenté du creux.
Ensuite le bordé est creusé avec une disqueuse au niveau de chaque membrure.
Le creux peut ensuite être réalisé sur toute la longueur du bordé à la disqueuse ou avec un rabot à lame courbe ou rabot à coffrer.
Placer et Ajuster le bordé à l’aide de calles et de serre-joints
et le fixer
La sur-épaisseur sur les coutures est enlevée au rabot et finition à la ponceuse orbitale de façon à avoir une courbure de la carène continue et harmonieuse.
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