Chère Wahida
C’est avec le cœur lourd que tous tes amis du Chantier de la Plagette sont venus te saluer une dernière fois, pour rendre hommage à ta mémoire, et à ton courage dans ta lutte contre la maladie qui, au fil des mois à finalement eu raison de ta pugnacité à la combattre. Ce qui te portait, je crois et qui faisait que tu t’accrochais était ce projet de restauration du Loud pour lequel tu as tant donné. Ton espoir, et le nôtre était que tu le baptises lors de sa mise à l’eau. Le destin est cruel, il ne l’a pas permis. Mais il aura permis néanmoins que tu puisses suivre sa renaissance. Chacune de tes trop rares visites au Chantier, à Sète était pour toi un rayon de soleil dans la triste grisaille de ton quotidien solitaire rythmé par les soins médicaux et la souffrance. La convivialité et la chaleur humaine que tu y trouvais alors, te faisaient retrouver pour un bref moment le sourire et la joie de vivre. Tes forces déclinant, tes visites se sont espacées…
Je me souviens de ta dernière visite au Loud, il y a quelques mois de cela. Je t’ai emmenée dans un quartier de Sète que tu ne connaissais pas encore, le Pont Levis. Ce port miniature au bord de l’étang à su te charmer par son authenticité. Nous nous sommes promenés sur la berge sauvage et tu as voulu que je ramasse pour toi des algues séchées qui jonchaient la rive. Tu les as emportées avec toi. Cette lagune et l’odeur de ces algues te rappelaient les Kerkennah disais-tu. Puis tu t’es assise sur une grosse pierre et tu as fumé une ou deux cigarettes en regardant le soleil décliner sur l’étang. Ce moment émouvant que nous avons passé là a été pour toi, je crois un des derniers moments de bonheur que tu as pu connaître. J’en garde un souvenir ému.
Ces derniers temps, nous avons essayé à quelques uns d’adoucir tes derniers jours et nous avions le cœur brisé d’être impuissants à atténuer tes souffrances. Sache que c’est un soulagement pour nous de savoir qu’elles ont cessé. Tu ne baptiseras pas le Loud, ce bateau si cher à ton coeur car il symbolisait à tes yeux le temps heureux de ton enfance. Mais tu seras, ainsi que ton frère Mounir, présente à bord par la pensée. Car nous le savons tous, le véritable tombeau des morts, c’est la mémoire des vivants, et tu seras toujours dans la nôtre.
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Adieu Wahida, adieu Chère et vaillante Amie, que ton âme repose en paix et s’envole au-dessus de la Méditerranée avec le vent qui gonfle doucement les voiles des felouques, là–bas aux Kerkennah, tes îles enchantées…
Jacques Molinari
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